Maud Vinet est physicienne et directrice du programme d’informatique quantique au CEA-Leti. À son actif : 300 articles, 70 brevets liés aux nanotechnologies et une start-up. Elle éclaire cette technologie aussi complexe que prometteuse.
Quand avez-vous découvert la physique quantique ?
Maud Vinet : Pendant mes études à l’École nationale supérieure de physique de Grenoble, à l’époque où les premiers algorithmes de correction d’erreur quantique (quantum error correction) étaient proposés. J’ai ensuite fait une thèse de recherche fondamentale en physique quantique avant de commencer à travailler en recherche appliquée au CEA-Leti, le leader mondial de la recherche sur les micro et les nanotechnologies. C’était le début des années 2000, il y avait un vrai dynamisme dans le monde de la microélectronique à Grenoble et je voulais participer à cet effort. Il s’agissait d’augmenter les performances de calcul en diminuant la taille du composant élémentaire, c’est-à-dire du transistor. Je suis partie aux États-Unis chez IBM pendant cinq ans, avant de revenir au CEA-Leti et prendre la direction des activités de recherche sur les composants destinés à améliorer les performances de calcul. Au Leti, quatre grandes voies étaient alors poursuivies au niveau des composants : continuer de diminuer la taille des transistors ; trouver des dispositifs pour rendre l’intelligence artificielle plus efficiente ; réaliser des intégrations en trois dimensions et utiliser les composants de la microélectronique pour du calcul quantique. En 2019, nous avons identifié une opportunité sur cette dernière option et c’est devenu une activité à part entière dont j’ai pris la direction.
Comme en physique, les informatiques classique et quantique sont-elles aussi éloignées l’une de l’autre ?
Maud Vinet : D’une certaine manière, oui. La physique quantique est complexe parce qu’elle échappe à l’intuition. Toute l’électronique numérique repose sur le fait de séparer le zéro et le un. En physique quantique, nous avons à la fois zéro et un. C’est le principe de superposition, très peu accessible à notre intuition. Un deuxième principe est celui d’intrication, selon lequel des objets individuels distants peuvent constituer un même système, ce qui conduit au principe de téléportation. Là encore, c’est très difficile à conceptualiser. Ces deux principes de superposition et d’intrication font que les algorithmes de l’informatique quantique sont spécifiques : c’est de l’algèbre linéaire très poussée. Pour ce qui est des outils logiciels, en informatique classique, un programme se construit en faisant du débug en exécutant le programme et en le vérifiant pas à pas.