La psychiatre et chercheuse en neurosciences Lucie Berkovitch pilote une étude sur l’usage de la psilocybine dans la dépression résistante. Elle décrypte les enjeux de cette approche combinant substances psychédéliques et psychothérapie.
La santé mentale est érigée grande cause nationale en France en 2025. Quelles évolutions espérez-vous ?
Lucie Berkovitch : Les chiffres montrent une hausse marquée des troubles anxieux, dépressifs et des idées suicidaires depuis le covid. Intuitivement, nous comprenons bien comment le confinement a pu affecter la socialisation et générer une anxiété accrue. Mais au-delà de cette intuition, nous avons réellement observé ces effets dans les services, en particulier aux urgences psychiatriques. Si je compare l’état de la psychiatrie aujourd’hui à ce qu’elle était voici une quinzaine d’années, le constat est assez désolant. À l’époque, nous pouvions travailler en équipe, avec des infirmiers présents en entretien qui avaient le temps de connaître les patients. Désormais, nous manquons de personnel : il y a de nombreux postes vacants et de gros problèmes de recrutement dans tous les services (NDLR : selon la Fédération hospitalière de France, 23 % des postes de psychiatres étaient vacants en 2023 à l’hôpital public). Le recours aux intérimaires se développe, ce qui nuit à la continuité des soins. Pour les soignants en place, cela entraîne une perte de sens. Exercer dans de telles conditions est problématique, car nous n’avons plus le temps nécessaire pour prodiguer les soins comme nous aimerions le faire.