Le développement exponentiel du numérique fait surgir autant d’interrogations sur les plans géopolitique, sociétal et environnemental. Quel rapport de force est amené à s’instaurer avec l’accroissement constant des besoins en eau, en métaux et en terres ? Comment agir sur les pollutions directes et indirectes du secteur ? Autant de défis à la portée systémique à relever.
Allié ou ennemi de l’environnement ? Le numérique, à l’instar des métaux nécessaires à la révolution électrique, est invoqué comme une clé de voûte essentielle à la transition climatique. Au gré des progrès des technologies de l’information, les promesses se multiplient à de nombreux niveaux : meilleure anticipation des impacts du changement climatique, modélisations de plus en plus fines sur les questions de gestion du territoire et des activités humaines – des transports à l’urbanisme et l’aménagement, en passant par l’eau, la consommation énergétique ou la sécurité. Mais en l’absence d’une régulation de sa croissance globale, le numérique pourrait bien au contraire devenir un obstacle. Rien qu’en France, selon le rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat publié en 2020, son empreinte carbone pourrait augmenter de 60 % d’ici à 2040 si rien n’est entrepris pour la limiter.
Sur le plan climatique, les grandes études académiques soulignent que la contribution du numérique aux émissions de carbone globales est actuellement comprise entre 1 et 4 % des rejets de CO2. À l’échelle de l’Union européenne, ces émissions seraient de l’ordre de 3 % et de 2,5 % pour la France. « Le plus important à regarder n’est pas forcément cette proportion actuelle, mais plutôt la tendance de ces émissions. Et, depuis juin 2023, la communauté scientifique est plus ou moins arrivée à un consensus : les émissions du secteur augmentent », souligne dans l’un de ses articles Gauthier Rousshile, chercheur au Royal Melbourne Institute of Technology (RMIT), spécialiste des enjeux environnementaux de la numérisation. Si la part la plus importante de l’empreinte carbone du numérique est imputable à la fabrication des équipements, vient en deuxième position la consommation électrique, requise pour faire transiter, stocker et afficher la donnée. Cette dernière est en constante augmentation.