Après plusieurs années à évoluer sans cadre, l’intelligence artificielle sera régulée par l’Union européenne via l’AI Act. L’assurance se confronte aux défis et ambiguïtés de ce projet, dont le périmètre et les impacts sont encore discutés.
« Dans un secteur comme l’assurance, où les données sont la matière première et l’analyse des données le principal outil de travail, il n’est pas surprenant que l’intelligence artificielle joue un rôle central dans la transformation numérique du secteur », signalait la présidente de l’Eiopa, Petra Hielkema, dans une tribune au magazine Eurofi en avril 2023. De fait, l’usage des techniques d’intelligence artificielle (IA) se répand dans l’assurance, que ce soit pour améliorer les relations clients, automatiser les parcours de souscription et d’indemnisation, ou encore détecter la fraude. En matière purement actuarielle, l’IA intervient principalement à deux niveaux : sur les données, en offrant par exemple la possibilité de travailler avec des données non structurées ; et au niveau des modèles de tarification, pour améliorer, voire remplacer, les traditionnels GLM (generalised linear models).
Une réglementation fondée sur les risques
Cet usage croissant de l’IA s’observe dans de nombreux autres secteurs. Ces systèmes techniques fascinent autant par leur potentiel qu’ils inquiètent par leurs dérives possibles : surveillance de masse, manipulation de l’opinion, etc. Des risques qui ont poussé les législateurs à agir. « Il est intéressant d’observer qu’une sorte de tsunami s’est produit avec l’arrivée de ChatGPT en novembre 2022. Beaucoup de pays sont subitement passés d’un modèle sans régulation de l’IA ni véritable réflexion sur son utilisation à un modèle qui se veut beaucoup plus contraignant. C’est un défi, car il est difficile de poser des frontières a posteriori à toute une série de pratiques qui se sont développées dans un vide réglementaire », relève Steve Jacob, professeur en sciences politiques à l’université Laval et membre de l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA).