Prix Actuariat SCOR Jeunes Actuaires 2020 – Mention spéciale
Comment savoir si la stratégie des assureurs de majoration de primes des contrats d’assurance IARD est optimale pour développer la rentabilité du portefeuille tout en limitant son attrition ? Et si tel n’est pas le cas, comment atteindre une telle performance ?
Les assureurs réalisent souvent un effort commercial pour afficher des tarifs d’affaires nouvelles certes attractifs, mais insuffisants pour que l’assureur puisse dégager une marge sur le contrat la première année. La rentabilité du portefeuille doit donc se construire sur le long terme, mais se heurte à deux phénomènes antinomiques : la nécessité d’augmenter la prime des contrats au terme, et la nécessité de limiter la résiliation de ces contrats, facilitée par l’entrée en vigueur de la loi Hamon en 2014. Adapter le niveau de majoration selon le profil de risque du client et sa sensibilité au prix apparaît comme un levier naturel pour maîtriser le taux de résiliation du portefeuille lié à l’augmentation de prime. Aujourd’hui, ces majorations sont calculées tous les mois de manière empirique par les équipes d’actuaires. La procédure est loin d’être automatisée et ne garantit pas que les majorations appliquées soient réellement adaptées à la stratégie recherchée. Il est cependant possible de développer un modèle ajusté au portefeuille qui suggère pour chaque contrat la majoration optimale – au regard de l’objectif fixé – en s’ajustant au profil du client tout en anticipant les gestes commerciaux que pourraient appliquer les agents généraux pour retenir ce dernier. La théorie du Lagrangien, combinée aux méthodes de machine learning, permet de concevoir un tel modèle. Toutefois, le machine learning est encore timidement utilisé par les assureurs directement dans le processus de tarification, car souvent complexe à mettre en œuvre au niveau opérationnel, et surtout par manque de transparence. La modélisation doit donc aboutir à un outil clé en main, prêt à délivrer en un temps restreint les majorations optimales. Quant à la transparence, des méthodes récentes d’interprétation des modèles (SHAP values) permettent de répondre à cette problématique : il est ainsi possible d’identifier les facteurs d’augmentation et de diminution des majorations pour être en mesure de vérifier la cohérence des résultats et de justifier l’augmentation de prime auprès du souscripteur. Les premiers modèles réalisés sur un portefeuille de contrats MRH d’AXA France présentent des résultats très encourageants, qui répondent au problème de minimisation du taux de résiliation tout en améliorant la rentabilité du portefeuille et en maintenant le niveau de chiffre d’affaires. Enfin, les travaux menés ont pu montrer que l’exploitation des méthodes d’interprétation méritent toute notre attention, en permettant aux assureurs d’exploiter pleinement le potentiel de modèles complexes au profit de leur stratégie et de leur productivité.