Consultant-doctorant en thèse Cifre chez Addactis/Euria, Mulah Moriah est passionné des sujets statistiques et actuariels. Il est impliqué dans l’enseignement et la vulgarisation des sujets techniques qu’il traite.
L’assurance a une place importante dans les sociétés modernes, ce qui confère à la tarification une dimension sociale. Ainsi, en plus des contraintes liées à la concurrence, la rentabilité, la stratégie, etc. le prix d’accès à l’assurance se doit d’être transparent et équitable.
Cette tarification requiert une segmentation des assurés en se basant sur leurs informations. Par définition, la limite entre discrimination et segmentation est fine. Par exemple, depuis 2012, la gender directive oblige les assureurs à mettre fin à toute distinction de primes entre hommes et femmes. Ici, la contrainte est réglementaire, mais elle peut aussi être stratégique ou commerciale (exemple de l’âge). Il est simple de montrer que l’équité par omission qui revient à supprimer la variable sensible ne suffit pas à assurer une véritable équité des primes. Par des interdépendances complexes, les variables non sensibles permettent de maintenir l’effet indésiré du genre sur les modèles. D’où l’utilité d’acquérir la capacité à mesurer puis à réduire les biais de discrimination.
Définition et mesure de l’équité
L’équité se définit comme le fait de donner les mêmes chances aux individus en tenant compte des différences qui existent entre eux. Cette notion est formalisée de multiples façons, ce qui conduit à des motivations et terminologies incohérentes et présentant un sérieux défi pour la comparaison des définitions. Un chapitre entier est donc consacré à la revue de la littérature et à son adaptation à l’assurance et à la tarification. Parmi les nombreuses métriques introduites pour quantifier l’équité, deux sortent du lot.
Le HGR est l’une des meilleures métriques de dépendance, avec d’excellentes propriétés et captant toutes formes de dépendance. Nous l’estimons en utilisant des noyaux. L’adaptation Flip-test est une métrique permettant de mesurer la différence de prime entre un individu et les individus de genre opposé qui lui ressemble. Nous l’avons modifié et complété pour répondre à la question : quelle serait la prime de cet homme s’il était une femme ?
Le cas d’usage en assurance automobile nous a permis de constater la présence de biais dans les données et une amplification ou un maintien de ce biais dans les modèles de prime pure construits avec et sans le genre comme variable explicative. Il est donc indispensable d’envisager des approches plus sensibles à l’équité.
Conserver la cohérence
Il s’agit de mener des actions à différentes étapes pour réduire l’effet du genre sur les primes prédites. Avant la modélisation, les suppressions de variables et de corrélation traitent les données pour réduire le biais. Une approche de rééchantillonnage est aussi proposée pour réduire les écarts de primes entre les genres. Ces méthodes se démarquent par leur simplicité mais présentent un risque de perte d’informations. Pendant la modélisation, l’équité est prise en compte en ajoutant des contraintes à l’optimisation des paramètres. Ces approches bien que plus optimales restent complexes et coûteuses en temps de calcul. Après la modélisation, les estimations peuvent être corrigées pour améliorer l’équité. Nous avons construit un algorithme itératif qui ajuste les primes prédites en maximisant l’équité individuelle et en conservant la cohérence de celles-ci. L’amélioration de l’équité est significative, mais dépend de la qualité des modèles construits en amont.
Ces pistes ont permis de comprendre la structure des biais et d’obtenir de bons équilibres performance/équité. Ainsi, les définitions et mesures donnent un cadre pour une tarification plus soucieuse de l’équité avec des approches de mitigation allant du plus simple au plus complexe.