PRIX ACTUARIAT SCOR Jeunes docteurs
Dominique Abgrall a réalisé sa thèse « Études de détection de rupture : procédure en ligne pour des modèles discrets de Poisson et test hors ligne pour des mélanges paramétriques. Application à des problèmes issus de l’assurance » au sein du laboratoire de mathématiques de Brest adossé à l’EURIA.
Les travaux de ma thèse portent sur deux études de détection de rupture. Nous y étudions des phénomènes aléatoires dont les propriétés sous-jacentes sont supposées constantes mais, à un moment, changent. Nous parlons alors de rupture. Dans un premier problème, le phénomène prend la forme d’une séquence de variables aléatoires discrètes qui suivent une loi de Poisson. C’est un modèle qui peut servir à représenter des observations issues d’un comptage lorsque les données arrivent les unes après les autres. Par exemple, en actuariat, utiliser la loi de Poisson est une approche courante pour étudier la mortalité. Ce qui nous intéresse ici est l’estimation du nombre moyen de décès après le changement. Pour cela, nous introduisons un estimateur qui est basé sur la procédure de Shiryaev-Roberts. Cet estimateur a des propriétés numériques intéressantes, car il converge rapidement vers sa vraie valeur avec une faible variance dès lors que le changement survient. Nous avons montré qu’il est convergent et, par des simulations, illustré qu’il est plus précis que des estimateurs classiques juste après le changement.
Détecter un changement et estimer son ampleur répond à un besoin concret qui se pose en actuariat. Par exemple, lors du suivi des hypothèses pour Solvabilité II, il est nécessaire de vérifier que la table de mortalité est toujours adéquate. Des applications à des données réelles d’assurance sont présentées dans la thèse, pour des cas où le changement est évident ou non. Nous avons également étudié plusieurs évènements marquants de l’histoire de la mortalité nationale : la grippe espagnole de 1918, la baisse de la mortalité dans les années 1960 liée à la révolution cardiovasculaire et la canicule de 2003.
Dans un second problème, nous considérons un échantillon où chaque observation se modélise par un mélange fini de lois paramétriques : les observations viennent de plusieurs sous-populations qu’il est impossible de distinguer clairement en pratique. Nous supposons qu’il est tout de même possible de numéroter ces sous-populations dans le modèle, car nous souhaitons étudier l’une des sous-populations en particulier.
Un test d’hypothèse pour détecter et investiguer
Ici, le but est de détecter un changement dans les paramètres de la sous-population qui nous intéresse. Dans la littérature, des techniques générales existent déjà, notamment dans les travaux de Csörgő et Horváth, mais ne fonctionnent pas bien en pratique. C’est pourquoi nous proposons un test d’hypothèse qui permet de zoomer sur la sous-population d’intérêt. Il s’écrit comme une fonction simple d’estimateurs standards et facilement calculables. Le résultat principal est un théorème limite fonctionnel qui donne explicitement la loi limite de la statistique du test sous l’hypothèse nulle. Cette loi limite est très utile car elle permet de réduire significativement le temps de calcul nécessaire au calibrage du test. Le test semble avoir une bonne capacité de détection. Nous l’illustrons par des simulations où il est comparé à un test benchmark.
Une application est développée pour l’étude de la variation de la charge de sinistres en assurance non-vie qui peut se modéliser par un mélange Gaussien à 12 sous-populations. Pour un actuaire, l’intérêt de ce test est d’abord de statuer si, oui ou non, un changement s’est produit. Cela permet ensuite, soit d’investiguer les causes du changement, soit de justifier qu’aucun changement ne s’est produit. Dans notre exemple, un changement est bien détecté. L’investigation se poursuit…