Volatilité des coûts, dépendance entre garanties et accumulation en fréquence : trois enjeux allant de la souscription à l’indemnisation abordés sous l’angle statistique dans le manuscrit de doctorat de Sébastien Farkas, « Mathématiques appliquées à l’assurance des risques numériques ».
Le numérique accompagne le quotidien et le développement des entreprises mais constitue dans le même temps un vecteur de propagation d’actions malveillantes. De manière complémentaire aux mesures étatiques et internes de protection des entreprises, les produits d’assurance des risques numériques se développent. Aux États-Unis, ce marché émergent à forte croissance est rentable et concurrentiel. Toutefois, la volatilité des coûts, la dépendance entre garanties et l’accumulation en fréquences sont autant de spécificités qui complexifient la maîtrise des engagements souscrits par les organismes d’assurance et de réassurance. Ce manuscrit de doctorat propose en trois chapitres des modèles mathématiques adaptés à ces enjeux.
Le premier chapitre porte sur l’analyse conditionnelle des sinistres graves. Deux approches sont combinées : la théorie des valeurs extrêmes, permettant d’analyser des petits échantillons grâce à une approche paramétrique, et la méthode d’arbre de régression, permettant d’obtenir une classification conditionnelle claire. Des profils de risques sont ainsi obtenus, chacun regroupant des sinistres associés à une même distribution extrême. Cette méthodologie permet un relâchement de l’hypothèse de régularité sous-jacente aux modèles linéaires généralisés, tout en conservant une simplicité d’interprétation. Les résultats éclairent les réflexions sur l’assurabilité des profils de risques et s’appliquent à la souscription et à la gestion des risques.
Des événements extrêmes hétérogènes
Le deuxième chapitre vise à étudier, grâce à la théorie des copules, la dépendance entre les multiples garanties couvrant un sinistre numérique : assistance, dommages, perte d’exploitation et responsabilité. Or, la proportion de sinistres ouverts, pour lesquels les coûts sur chaque garantie ne sont pas définitifs, est d’autant plus significative que le délai de clôture peut être long et que le recul historique est limité sur ces produits émergents. Par ailleurs, se limiter à l’analyse des sinistres clos, gérés en moyenne plus rapidement que les sinistres ouverts, peut induire un biais de sélection.
La théorie des copules est ainsi conjointement appliquée avec la théorie de la censure, permettant de combiner les informations complètes des sinistres clôturés par les données partielles des sinistres ouverts sans introduire de biais. Cette approche est appliquée dans le contexte d’une analyse conditionnelle non paramétrique afin de déterminer les structures de dépendances des différents profils de risques.
Une accumulation simultanée des besoins en assistance
Le troisième chapitre se concentre sur l’analyse de la fréquence de sinistralité et, plus particulièrement, de l’accumulation simultanée de besoins en assistance. Pour les catastrophes naturelles, la maturité des modèles permet une analyse combinée du phénomène aléatoire, des expositions en portefeuille et de leur vulnérabilité. En revanche, pour les risques numériques, cette architecture n’est pas encore développée. Ainsi, de manière alternative, la dynamique temporelle d’occurrence des sinistres est directement modélisée via des processus ponctuels.
La diffusion des sinistres est estimée par des processus de Hawkes, en supposant que chaque sinistre observé augmente temporairement la probabilité d’occurrence d’un nouveau sinistre. L’inégalité de concentration de l’accumulation obtenue contribue au dimensionnement des capacités d’assistance, en maîtrisant le risque de saturation et ses conséquences : allongement des délais de gestion et aggravation des préjudices à indemniser.