Les prévisions de mortalité sont-elles entrées dans une nouvelle ère ? Alors que les conséquences de la pandémie interrogent sur leur portée à long terme, d’autres risques émergent et bousculent les modèles établis.
En 2021, pour la seconde année consécutive, l’espérance de vie à la naissance a chuté aux États-Unis, passant de 77 ans à 76,1 ans, selon les données publiées par le National Center for Health Statistics en août 2022. C’est la seconde fois en un siècle que le pays subit une baisse durant deux années consécutives. Les décès excédentaires en 2020 et 2021, notamment dus au Covid-19, ont entraîné une décroissance globale de l’espérance de vie entre 2019 et 2021 de 2,7 ans pour la population totale (de 3,1 ans pour les hommes et de 2,3 ans pour les femmes).
Les États-Unis ne sont pas les seuls à subir les conséquences de la pandémie. Alors que, depuis les années 1960, l’espérance de vie à la naissance a augmenté en moyenne de plus de deux ans par décennie dans l’Union européenne, près de la moitié des États membres ont connu une baisse de l’espérance de vie à la naissance en 2021. Le Covid-19 rebat-il les cartes des prévisions de mortalité ? « La question est de savoir, au vu des événements de ces deux dernières années, s’il est nécessaire de changer nos projections de mortalité, interroge Marine Habart, actuaire agrégée IA et directrice de l’actuariat vie & santé au Groupe Axa. Or, il existe aujourd’hui deux écoles. La première considère que le Covid-19 n’aura un effet qu’à court terme, il a éventuellement créé un effet de moisson – les personnes touchées, particulièrement les personnes âgées, étaient destinées à mourir prochainement –, c’est de l’anticipation de mortalité. Mais cet épisode de surmortalité est suivi par une période de sous-mortalité. Cela ne modifie donc pas les hypothèses de long terme. La seconde école considère que la pandémie a un impact. Par exemple, l’adoption de gestes d’hygiène plus fréquents va diminuer l’apparition de certaines maladies. Mais des effets négatifs sont également constatés : le Covid a affecté la prévention et la détection de certaines pathologies. De plus, les conséquences des Covid longs sont difficilement identifiables aujourd’hui. La maîtrise des projections de mortalité est ainsi devenue encore plus difficile. » Les conséquences réelles des retards de soin, par exemple, sont encore inconnues, mais elles préoccupent l’Assurance maladie. Dans son rapport « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses », publié en juillet 2021, elle relevait que le nombre d’ablations chirurgicales de cancers a diminué de 6,2 % et les traitements aigus pour les ischémies myocardiques de 7,8 % en 2020, comparé à 2019. Le dépistage des cancers a également été perturbé, les mammographies et les examens pour le cancer du côlon ont respectivement diminué de 14,5 % et de 11,8 % entre 2019 et 2020. Aux États-Unis, l’American Association for Cancer Research estimait, en février 2022, que la pandémie a provoqué une augmentation de 11 % du nombre de patients diagnostiqués avec un cancer inopérable ou métastatique.