Après avoir dédié sa carrière à l’actuariat financier, Jean Berthon a cocréé Actuaires du monde, avec l’objectif de développer l’inclusion et l’éducation financière à l’international.
C’est en intégrant l’Association actuarielle internationale (AAI) en 1991, dans le cadre de ses fonctions de délégué général de l’Institut des actuaires, que Jean Berthon a attrapé le virus de l’international. « J’ai trouvé très intéressant de fréquenter des actuaires américains, britanniques, belges ou encore italiens. À l’époque, l’actuariat français était assez traditionnel et assez éloigné de la démarche anglo-saxonne. Rencontrer des actuaires d’autres pays permettait d’échanger des idées et des modes de réflexion sur la démarche actuarielle, ce qui était tout à fait passionnant », se souvient cet actuaire agrégé IA, qui a ensuite été élu président de l’AAI en 1998. À l’époque, cette structure effectuait sa transition d’une association classique à une fédération d’associations.
Ce passionné d’opéra et de poésie entame son parcours à la Caisse des dépôts et consignations auprès de deux polytechniciens actuaires. Lorsqu’il reprend la tête du bureau qui traitait des calculs obligataires, il entreprend une formation continue au Centre d’études actuarielles pour devenir actuaire. Il poursuit ensuite son chemin dans l’actuariat financier, tout particulièrement dans la gestion d’actifs, auprès de la banque Rothschild, jusqu’à la nationalisation de cette dernière en 1982, avant d’exercer dans diverses banques de plus petite taille.
Des services actuariels partout dans le monde
En 2003, souhaitant poursuivre l’élan à l’international, Jean Berthon a l’idée d’ouvrir une section baptisée « Actuaires sans frontières » pour réunir les professionnels voulant apporter bénévolement leurs compétences à des projets dans des pays émergents. Dix-sept ans plus tard, alors que l’AAI a pris la décision de fermer cette section, Jean Berthon est sollicité pour continuer à la faire vivre. « On m’a appelé au secours pendant le confinement, raconte-t-il, et, en novembre 2020, nous avons créé Actuaires du monde avec Renata de Leers, membre de l’Institut des actuaires belges, pour reprendre les activités d’Actuaires sans frontières. » Cette toute jeune association est donc née avec un grand héritage, qu’elle va faire perdurer tout en développant d’autres activités, notamment sur l’inclusion et l’éducation financière.
« Dans les pays émergents, des couches entières de la population n’ont pas accès à un service de type bancaire ni à un service de type assurantiel, alors que ce sont des conditions indispensables pour travailler ou développer une activité. L’un des principaux objectifs est donc de développer l’inclusion financière dans ces pays, via le lancement ou la participation à des projets de micro-assurance et de micro-crédit », expose-t-il. L’association est par ailleurs prête à accueillir des membres associés non actuaires proches de la démarche actuarielle ainsi que des étudiants en actuariat qui pourraient être envoyés en stage à l’étranger.
De son contact avec l’international, Jean Berthon a renforcé sa conviction qu’il fallait développer la recherche en actuariat. « Que ce soit au niveau de l’AAI ou du Groupe consultatif actuariel européen, je fréquentais des universitaires qui développaient de véritables programmes de recherche dans la science actuarielle, ce qui manquait en France à l’époque », se remémore-t-il. Une idée qu’il parvient à concrétiser juste après avoir pris sa retraite : la Fondation du risque voit le jour en 2007 grâce à huit membres fondateurs, quatre acteurs académiques (l’École polytechnique, l’ENSAE, l’université Paris-Dauphine et le Centre d’études actuarielles) et quatre institutions financières (AGF, Axa, Groupama et la Société Générale), avec le but de doper le potentiel de recherche français dans le domaine du risque grâce à la création de chaires pluridisciplinaires ou pluri-universitaires.
Depuis, cette fondation reconnue d’utilité publique a participé à la création de l’Institut Louis Bachelier avec l’Institut Europlace de finance, regroupement dont l’objectif est de créer une communauté de chercheurs reconnue en France et à l’international. « Le groupe représente 400 chercheurs actifs, 32 institutions académiques, 80 entreprises françaises et étrangères qui financent plus de 60 chaires et initiatives de recherche et un budget de recherche de 9 millions d’euros par an », énumère-t-il. Des chiffres qui réjouissent ce polytechnicien, déjà sensibilisé aux problématiques de recherche du temps où il enseignait à l’université d’Orléans, puis à celle de Paris-VI et à Dauphine, en parallèle de son activité d’actuaire financier.
Faire converger les intérêts
En devenant délégué général du Centre d’études actuarielles puis de l’Institut des actuaires à la fin de sa carrière, Jean Berthon a tiré l’autre grand fil directeur de son parcours : la défense des usagers des services financiers. « L’actuaire est le point de convergence de différents intérêts : ceux de la direction générale de l’entreprise, des actionnaires, des régulateurs et des clients », explicite Jean Berthon, qui a décidé de se focaliser sur ces derniers au sein de la Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite (Faider), dont il a été le président et dont il est toujours le vice-président. « C’est à l’actuaire de faire en sorte que ces quatre intérêts convergent. C’est là toute sa beauté et toute sa valeur. »