L’inassurabilité de certains risques du fait du changement climatique n’est pas une fatalité, pour la chercheuse au CNRS Myriam Merad. À condition de penserle problème dans sa globalité, en ne confondant pas risque et aléa et en ne se berçant pas d’illusions sur les techniques de data-science. Elle revient, pour L’Actuariel, sur la manière dont ses travaux en matière d’aide à la décision peuvent éclairer le débat actuel.
Vous avez fait partie de la mission qui a conduit au rapport « Adapter le système assurantiel français face à l’évolution des risques climatiques ». De quelle manière la question de l’assurabilité des risques climatiques recoupe-t-elle vos travaux de recherche sur l’aide à la décision et la prévention des risques ?
Myriam Merad : Mon travail de recherche, depuis près de trente ans, porte sur les différentes approches de prévention des risques, tous aléas confondus (naturels, industriels, biologiques, financiers…). Il s’agit notamment de voir comment mobiliser les expertises de chaque domaine et de chaque acteur pour mieux connaître l’aléa ou le risque concerné, le caractériser par des méthodes formelles (aide multicritère à la décision, analyse de données, etc.), de sorte à accompagner la prise de décision, publique ou privée, c’est-à-dire le choix de mesures proportionnées pour réduire ces risques à court, moyen et long terme. C’est ce que l’on appelle l’aide à la décision.
Qu’entendez-vous par « mesures proportionnées » ? Le problème est-il de surréagir ou d’être trop timide ?
Myriam Merad : Un pan de mes travaux porte sur l’effectivité des mesures de prévention et de gestion des risques. Dans le cas de la crise Covid, par exemple, choisir une mesure comme le confinement permet de réduire un type de risque, celui de propagation du virus, mais conduit à en augmenter d’autres. Ainsi, le confinement accentue les facteurs de comorbidité en contribuant à rendre davantage de personnes sujettes à la dépression ou aux risques cardiovasculaires. Cela augmente le risque d’être exposé à l’aléa Covid. Lorsque l’on prend une décision, le choix d’une mesure de gestion des risques par exemple, il est important de savoir quel transfert de risque cela implique. Toujours dans le cas de la crise sanitaire, le confinement a accentué le risque de violences sociales (du fait de vivre dans de petits espaces) et économiques (du fait de potentielles pertes d’emploi). Il n’existe jamais qu’une seule option, une seule mesure de prévention : un décideur ou expert est donc amené à prendre une mesure plutôt qu’une autre, en étant conscient des conséquences potentielles et en les partageant avec les tiers.