Risques agricoles : exploitants et assureurs dans l’impasse

28 mars 2022  | Par Séverine LEBOUCHER
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En France, des assurances existent pour couvrir les récoltes contre les aléas climatiques. Mais les difficultés sont nombreuses pour équilibrer le dispositif. Et les effets du changement climatique, déjà tangibles, compliquent singulièrement la donne.

En trois nuits, des températures sous les - 5 °C ont brûlé les premiers bourgeons de très nombreuses cultures en France, les 6, 7 et 8 avril 2021. Les braseros allumés en urgence pour tenter de réchauffer des ceps de vigne n’ont rien pu faire. Cet épisode de gel historique a coûté cher à l’agriculture française : l’année 2021 est la plus faible vendange depuis 1970, avec une production en baisse de 23 % par rapport à 2020, selon les statistiques de l’Agreste. Quant aux abricots, leur récolte a été divisée par deux par rapport à la moyenne de ces cinq dernières années  (1). Il a également été coûteux pour les finances publiques, puisque l’État a débloqué en urgence près d’un milliard d’euros pour aider les agriculteurs.

Or, ce type de catastrophe agricole pourrait devenir de moins en moins exceptionnel. Du fait du changement climatique, une même récolte pouvant, par exemple, être successivement affectée par une sécheresse puis des inondations. Dans ce contexte, l’assurance peut-elle être la réponse pour protéger la « Ferme France » ? De fait, des offres existent pour assurer les récoltes contre les aléas climatiques. Si historiquement, seule la grêle était couverte, une quinzaine de risques (gel, tempête, inondations, canicule…) sont pris en charge par l’assurance multirisque climatique (MRC) depuis 2005. Une petite dizaine d’assureurs la propose, avec deux poids lourds (Groupama et Pacifica), quelques assureurs généralistes (Generali ou Allianz), mais aussi des spécialistes monobranches comme L’Étoile, Suisse Grêle (avec qui travaille Axa) ou encore l’insurtech Atekka, créée par l’union de coopératives agricoles InVivo. Ce marché de quelque 370 millions d’euros est largement subventionné par les pouvoirs publics, une partie des primes étant financée par les budgets européens de la Politique agricole commune (PAC).

Une couverture insuffisante

Malgré ces efforts, l’ensemble du territoire français est toutefois loin d’être couvert.

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Des satellites à la rescousse

Certains risques agricoles sont parfois couverts par des assurances paramétriques. En France, c’est le cas des prairies : un satellite d’Airbus suit la production d’herbe dans les champs et l’éleveur est indemnisé automatiquement si l’indice ainsi calculé dépasse un niveau donné. Un système innovant qui peine toutefois à trouver son marché : à de nombreuses reprises, cette assurance indicielle s’est trouvée moins généreuse que le régime des calamités agricoles pour une même zone géographique. Face à la multiplication des litiges, des assureurs comme Pacifica se désengagent. Mais l’assurance paramétrique n’est pour autant pas enterrée. « Elle permet d’assurer un péril climatique unique. Or, avec le changement climatique, il devient de plus en plus coûteux pour un agriculteur de se couvrir contre l’ensemble des risques », met en avant l’actuaire Victor Bouton.
C’est ce que propose notamment l’insurtech Descartes Underwriting. « L’assurance paramétrique permet
de faire du sur-mesure, en fonction du budget et des spécificités de chaque exploitation,
confirme Violaine Raybaud, sa responsable du développement. Nous couvrons par exemple le risque de grêle sur serre : nous le modélisons grâce aux images satellite des nuages et nous identifions le sinistre grâce à un capteur installé sur le toit des serres. L’indemnisation est beaucoup plus rapide. » Des solutions qui s’adressent toutefois principalement aux très grandes exploitations.

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Les États-Unis et l’Espagne, deux grands marchés

L’assurance agricole est présente un peu partout dans le monde, parfois depuis longtemps. « Des produits de type assurance récolte couvrant un grand nombre d’aléas climatiques se sont développés au cours des années 1930-1950 aux États-Unis, indique Pascal Forrer, président de l’Association internationale des assureurs de la production agricole (AIAG). Le système américain, qui couvre aussi les variations de prix, est aujourd’hui le plus développé au monde. » La subvention des primes, compatible avec les règles de l’OMC, est très répandue, du Brésil au Japon, en passant par la Russie, l’Inde et l’Europe bien sûr. Le changement climatique pose un défi partout. « Afin de rendre les systèmes pérennes, des mesures de prévention, d’atténuation des risques et d’adaptation de l’agriculture seront nécessaires, et cela impliquera un fort engagement de l’État et du secteur des assurances », indique Pascal Forrer. L’Espagne, qui a réussi à couvrir sa filière fruitière à plus de 60 %  (1),
est parfois citée en exemple pour son pool d’assurance Agroseguro où tous les risques sont mutualisés.

Références :