L’assurance paramétrique, si fantastique ?

28 mars 2023  | Par Séverine LEBOUCHER
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Faire dépendre le versement d’une indemnisation uniquement d’un indice sur lequel assureur et assuré se sont préalablement mis d’accord : tel est le principe de l’assurance paramétrique. Quasi exclusivement appliquée au risque climatique et de catastrophe naturelle, elle pourrait s’étendre à d’autres domaines d’intervention. Sans être pour autant une solution miracle.

Depuis novembre 2022, le marché français compte un assureur de plus ! Après une poignée d’assurtechs ciblant le grand public, c’est un acteur très spécialisé qui a reçu l’agrément distribué au compte-goutte par l’ACPR : Descartes Insurance. Sa spécialité ? Concevoir des produits d’assurance qui indemnisent automatiquement de grandes entreprises ou des pays lorsqu’un événement climatique ou une catastrophe naturelle survient, simplement parce qu’un indice préalablement défini a atteint un certain seuil. C’est la logique de l’assurance paramétrique, aussi connue sous le vocable d’assurance indicielle. Un marché de niche qui se structure rapidement ces dernières années autour de start-up, comme Descartes, mais aussi d’assureurs traditionnels, comme Axa à travers sa filiale Axa Climate, de réassureurs, comme Swiss Re ou Munich Re, et de quelques grands courtiers.

Si elle gagne en notoriété depuis peu, l’approche de l’assurance paramétrique n’est pas si récente. Dès les années 1920, l’idée de faire dépendre une assurance contre la sécheresse d’un indice mesurant le volume des précipitations avait déjà germé dans l’esprit de l’économiste indien Sukhamoy Chakravarty.

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Les particuliers : une clientèle peu mature

En dehors des pays en développement, il existe peu de produits paramétriques qui touchent directement des clients individuels. Axa avait par exemple mis en place en 2017 une assurance contre les retards d’avion, mais l’initiative a été abandonnée dès 2019. Le modèle économique semblait effectivement difficile à trouver avec des compagnies aériennes peu enclines aux remboursements systématiques en cas de retard. Mais si le marché des particuliers est ardu à toucher, c’est aussi parce qu’il s’avère souvent difficile d’expliquer en détail comment est paramétré l’indice. Ainsi, Pacifica a décidé de mettre en pause l’assurance paramétrique dédiée aux prairies, parce qu’elle n’était pas comprise des agriculteurs (lire «Le système indiciel, une réforme contestée »). Pour les acteurs du paramétrique, il s’agit de contourner ce problème d’acceptabilité de la solution. « Lorsque le produit est à destination des agriculteurs, ce sont en fait nos clients industriels qui le souscrivent en miroir d’une promesse commerciale qu’ils font, comme l’indemnisation du colza lorsqu’il ne monte pas assez, explique Joran Chambolle (chargé de développement des solutions paramétriques chez le courtier Bessé). C’est une manière de transformer une offre très financiarisée en une proposition acceptable sur le terrain. »

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Des États aux petits agriculteurs : l’appétit du monde grandit pour l’indiciel

Le monde en développement souffre d’une très faible couverture assurantielle de ses risques naturels, pourtant majeurs. « Le taux de pénétration de l’assurance dans ces pays étant très faible, tant auprès des particuliers que des entreprises, le reste à charge pour l’État après une catastrophe naturelle est énorme, souligne Amaury Dufetel, chez Axa Climate. Mais ce dernier ne peut pas pour autant s’assurer de manière traditionnelle, car cela impliquerait de mobiliser des capacités d’expertise pour chaque usine et chaque maison, ce qui serait impraticable. L’assurance paramétrique apporte donc une réponse à ce « protection gap » via des partenariats publics-privés. » Par exemple, l’African Risk Capacity s’appuie sur des subventions de plusieurs pays développés (dont la France et l’Allemagne) pour construire un système indiciel de transfert de risques entre les États du continent et ainsi apporter des ressources financières à l’un d’eux lorsqu’une catastrophe le touche. Depuis 2014, 90 polices d’assurance ont été ainsi signées, soit une couverture cumulée de 900 millions de dollars. Sept États africains (Mauritanie, Niger, Sénégal, Malawi, Côte d’Ivoire, Madagascar et Zimbabwe) ont ainsi bénéficié de 65 millions de dollars d’indemnisations, principalement liées à des épisodes de sécheresse. Mais l’assurance paramétrique n’aide pas que les États. Plusieurs programmes bénéficient bien plus directement aux populations les plus vulnérables, telles que les petits agriculteurs ou les micro-entrepreneurs. Le Global Index Insurance Facility (GIIF), sous l’égide de la Banque Mondiale, pousse ainsi la microassurance à miser sur les solutions indicielles. Il soutient des acteurs comme ACRE Africa en Afrique de l’Est ou MiCRO en Amérique latine. En une douzaine d’années, le GIIF a accompagné la mise en place de 10,5 millions de contrats, au profit de 50 millions de personnes.