Sarah Dido, lauréate du prix Institut des actuaires du 32e Concours international des mémoires de l’Economie et de la Finance, organisé par le Centre des professions financières, a soutenu à l’EURIA son mémoire sur les risques psychosociaux.
Face aux multiples évolutions connues ces dernières années par la société, un élément reste, dans le monde des assurances, immuable : quel que soit le risque, l’assureur doit en évaluer la probabilité de réalisation et le coût. Pour ce faire, l’observation des comportements passés permet d’en comprendre les mécanismes et de proposer une couverture adaptée. Toutes choses égales par ailleurs, ce mécanisme semble assez immédiat sur des risques pleinement objectifs, comme certaines assurances dommages. En revanche, pour des risques plus subjectifs, la tâche de l’assureur peut se voir complexifiée. C’est le cas notamment des risques psychosociaux : en effet, comment prévoir, dans un environnement strictement identique, une différence de comportement d’un individu à un autre ? Face à cette difficulté, faut-il pour autant les laisser de côté au risque de voir arriver des drames humains et familiaux comme ceux qui ont déjà pu être observés dans le passé ?
Accompagner les grandes transformations
De plus en plus de salariés affirment être exposés à un grand nombre de risques psychosociaux dans leur activité professionnelle. En effet, dans un environnement de plus en plus exigeant, où les charges de travail peuvent s’accumuler et où les soutiens managériaux se font de plus en plus rares, ces risques ont un impact non négligeable sur le fonctionnement des sociétés. En outre, s’ils ternissent l’ambiance générale au sein d’une équipe, ils favorisent considérablement l’absentéisme. Or, les performances d’une entreprise relèvent, entre autres, de sa capacité à mobiliser des salariés. C’est pourquoi, malgré les difficultés techniques liées à la gestion de ce type d’enjeux, les pouvoirs publics, les organismes d’assurance et les partenaires sociaux semblent s’accorder pour dire que la protection des salariés face aux risques psychosociaux est primordiale et qu’il est temps d’investir sur la prévention pour accompagner de grandes transformations en entreprises.
Si divers acteurs peuvent agir dans la mise en place d’actions préventives en entreprises pour lutter contre ce type d’absentéisme, les assureurs ne représentent que 4 % de ces intervenants. Pourtant, la prévention des risques fait partie de leurs préoccupations, et bien que, dans le cas présent, son coût ne soit pas porté par les assureurs, mais par les sociétés, il reste important pour eux de participer et d’accompagner ces dernières, par le biais de services supplémentaires qui peuvent être déclinés en nouvelles offres d’assurance.
De plus, la réduction de la probabilité d’exposition aux risques psychosociaux a également des conséquences sur les résultats des contrats portés par les assureurs, et donc sur leur rentabilité face à une concurrence de plus en plus agressive. En d’autres termes, un potentiel rapprochement entre les assureurs et les entreprises dans un objectif de prévention des risques, afin d’atténuer l’absentéisme, permettrait la mise en place d’un modèle gagnant-gagnant.
Quelle démarche opérationnelle adopter ?
Face à ces constats d’usage de la prévention, et avant de définir une stratégie opérationnelle de déploiement, il est important de s’interroger sur les capacités de quantification d’impact de toute stratégie de prévention des risques psychosociaux. Il peut donc être intéressant d’envisager une démarche proposant un mécanisme d’atténuation de l’absentéisme par la réduction des durées des arrêts de travail. L’approche opérationnelle proposée consiste alors à mesurer l’impact qu’aurait une stratégie d’accompagnement au retour à l’emploi construite en quatre étapes : détecter les risques, identifier les arrêts de travail associés, mettre en place des indicateurs de performance et, enfin, une stratégie de diminution de ces arrêts (voir schéma).
Quels enseignements ?
Une telle démarche permet de mesurer le gain que les assureurs peuvent générer sur leurs provisions mathématiques grâce à un dispositif d’accompagnement au retour à l’emploi. Elle met également en lumière les avis d’experts, qui permettent d’enrichir les études sur la prévention, bien qu’elles restent à ce stade non exhaustives, car les facteurs exogènes sont toujours peu quantifiables. Par ailleurs, elle se fonde sur des analyses de données provenant de divers acteurs : du ministère du Travail à l’Institut national de la statistique et des études écono-miques en passant par une compagnie spécialisée dans le développement du bien-être au travail ou encore par le portefeuille d’un assureur français. Ainsi, pour renforcer les offres de prévention, ne serait-il pas pertinent d’envisager un rapprochement stratégique entre les acteurs du secteur privé et ceux du secteur public ?