Le phénomène de dépendance aux opioïdes qui affecte les États-Unis depuis vingt ans atteint et inquiète désormais la Grande-Bretagne. En France, les chiffres, bien que bas, sont en augmentation. Un signal assez fort pour mobiliser dès aujourd’hui les actuaires ?
Depuis 1999, la crise des opioïdes aurait tué plus d’un demi-million de personnes aux États-Unis, selon les statistiques des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Les overdoses sont ainsi devenues la première cause de mortalité évitable avant 50 ans dans la population américaine. Au Canada, la crise est tout aussi importante. Le nombre de morts causées par des opioïdes a ainsi augmenté de 592 % entre 2000 et 2017, selon une récente étude de l’université de Waterloo. Les opioïdes (ou opiacés) sont des substances d’origine naturelle, semi-synthétique ou synthétique, dérivées de l’opium, qui activent dans le cerveau les récepteurs morphiniques. Médicaments antidouleur efficaces, ils présentent un haut potentiel addictif dès lors qu’ils échappent à un contrôle médical (lire l’entretien avec Rémy Sounier). Certains sont aussi détournés de leur utilité première, pour un usage stupéfiant.
En 2018, Didier Sédénio, actuaire certifié IA reserving senior chez Scor, se rend régulièrement aux États-Unis pour rencontrer ses collègues actuaires. Alors qu’il doit choisir un sujet de mémoire dans le cadre de sa formation ERM, l’étude de ce phénomène s’impose à lui. Sur les murs du métro new-yorkais s’étalent de nombreuses affiches, payées par des avocats à destination de victimes des opioïdes, promettant réparation. « Ce qui m’a frappé avec ce sujet, c’est qu’il peut véritablement toucher tout le monde. Des médicaments sont prescrits et, du jour au lendemain, vous ou quelqu’un de votre famille peut développer une addiction. Quand il a été impossible de se procurer des opioïdes en pharmacie, beaucoup sont allés dans la rue, sur le marché parallèle. Vous pouvez tomber dans un cycle infernal jusqu’à la déchéance, avance-t-il. C’est surtout à New York que j’ai découvert l’étendue de la crise. Là-bas, c’était un sujet majeur. Il était question de milliers de morts, l’équivalent de plusieurs World Trade Center. »