Étienne Klein analyse l’ambivalence des relations entre la science et la société, que la crise sanitaire a révélée sous un nouveau jour. Il revient également sur la délicate articulation des temporalités politiques et scientifiques.
Durant cette crise, les thèses collapsologiques ont eu un écho particulièrement fort auprès du grand public. Comment l’expliquez-vous ?
Étienne KLEIN : Il faut bien avoir à l’esprit que la science n’est pas le monde de la perfection. Un bon chercheur est une personne capable de dire : « Je ne sais pas. » Avec l’urgence de la crise sanitaire, les chercheurs honnêtes sont apparus médiatiquement débordés par des gens dotés d’une certaine forme d’arrogance et qui péroraient. Ces personnalités donnent l’impression au grand public qu’elles sont en train de boucher les trous laissés par les chercheurs. En période de crise épidémique, nous avons besoin de certitudes pour piloter notre action individuelle et notre action collective. Toute personne qui tient un propos ferme est alors écoutée. Ce qui m’a particulièrement surpris, c’est la faiblesse de l’argumentation. Le « café du commerce » est remonté dans les médias, alors même que la fonction des médias est d’échapper à ce genre de conversations, sinon de remettre en cause les hypothèses émises. Contrairement à la revue The Lancet, les propos entendus à la télévision n’ont jamais fait l’objet de démentis. Des choses fausses sont dites, mais jamais personne ne revient à la télévision pour dire : « Je me suis trompé ! »
La rétractation d’un article dans la revue The Lancet a semé le trouble au sein de l’opinion publique. Est-ce néanmoins un dysfonctionnement des revues scientifiques ?
Étienne KLEIN : Beaucoup de commentateurs ont utilisé le terme de « Lancet Gate » pour désigner la rétractation d’un article scientifique. Ce terme m’interpelle. Après avoir été revu par ses pairs, un article a été retiré. Nous ne pouvons donc pas, à mon sens, parler d’une affaire !