Présidente du centre de recherche African Security Sector Network, Niagalé Bagayoko analyse les mutations en cours au Sahel, notamment depuis l’arrivée des juntes au pouvoir qui ont acté la disgrâce de Paris.
L’armée française s’est dotée fin juin d’un commandement pour l’Afrique. Quel est l’enjeu de cette création ?
Niagalé Bagayoko : Il n’existe aucun commandement similaire en France pour d’autres régions du monde, contrairement à ce qui a cours pour les États-Unis, où la démarche a été totalement inverse. L’armée américaine s’est organisée d’un point de vue opérationnel à travers divers commandements en fonction des zones géographiques.
Cette évolution pour l’armée française dénote donc avec son mode d’organisation traditionnel. Elle intervient dans un contexte de reflux, voire de rejet de l’influence militaire française sur le continent. Ce nouveau commandement permet de réaffirmer l’importance que revêt l’Afrique pour l’armée française. C’est aussi une façon de rester présent, à distance, avec un commandement installé à Paris.
Quelles ont été les erreurs d’analyse de la France dans ses déconvenues au Mali, au Burkina Faso et au Niger, où elle a été déclarée persona non grata après l’arrivée de juntes au pouvoir ?
Niagalé Bagayoko : Il y a d’abord eu des divergences sur l’objectif de l’opération militaire Barkhane, de 2014 à 2022 au Sahel. Pour Paris, il s’agissait d’éradiquer la présence des groupes djihadistes au Sahel. Mais côté malien, la préoccupation majeure de la classe politique, comme de l’opinion publique, était avant tout de garantir l’intégrité territoriale du Mali. S’ajoutent à cela des divergences entre Paris et Bamako, puis Ouagadougou, sur les modalités de gestion du conflit et notamment sur la question de la négociation ou non avec les groupes djihadistes, refusée par Paris.