Amélie Zima

24 juin 2024  | Par Jessica BERTHEREAU
L'actuariel // Géopolitique // Amélie Zima

Docteure en sciences politiques à l’Institut français des relations internationales, Amélie Zima est responsable du programme Sécurité européenne et transatlantique. Elle éclaire le fonctionnement de l’Otan depuis l’invasion russe de l’Ukraine, qui marque le retour de la guerre sur le continent européen.

En 2019, Emmanuel Macron avait décrit l’Otan en « état de mort cérébrale ». L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a-t-elle redonné à l’Alliance une raison d’être ?

Amélie Zima: En 2019, il y avait beaucoup de tensions entre Alliés, notamment avec la Turquie et avec les États-Unis présidés par Donald Trump. Pour autant, l’expression de « mort cérébrale » n’était pas justifiée. Des dirigeants d’Europe centrale et orientale ont d’ailleurs contredit le président français, disant que l’Otan était au contraire très active, présente et nécessaire. C’est dans cette période, à la fin des années 2010, que l’Alliance a commencé à se recentrer sur la tâche pour laquelle elle a été fondée en 1949 : la défense de ses États membres. Ce recentrage a pour cause principale l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 : deux ans plus tard, au sommet de Varsovie, l’Otan décide de mettre en place une « présence avancée renforcée », c’est-à-dire des bataillons multinationaux dans les États baltes et en Pologne, pour dissuader la Russie.

Il y a pourtant eu des questionnements sur sa pertinence dans l’Histoire…

Amélie Zima: Oui, à la fin de la guerre froide, mais ils furent assez brefs. Les Alliés ont rapidement décidé que l’Otan n’avait pas besoin d’un ennemi pour exister, qu’elle garantissait les valeurs libérales et démocratiques, et qu’elle devait poursuivre sa mission en tant qu’organisation de défense. D’ailleurs, le traité de l’Atlantique nord, signé en 1949 à Washington, ne mentionne pas d’ennemi ; l’URSS n’y est pas citée. Il y a eu d’autres moments de flottement, comme lors du retrait unilatéral des États-Unis de l’Afghanistan à l’été 2021. Ce retrait non concerté a nui à l’Otan et certains disent que Vladimir Poutine y aurait vu un affaiblissement de l’Alliance. Il est évidemment impossible de savoir si cela a été un facteur décisif dans la décision d’envahir l’Ukraine six mois plus tard. Quoi qu’il en soit, ce fut un mauvais calcul, puisque l’invasion russe a encore plus recentré l’Otan sur son cœur de métier. Le non-respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine a été une telle brèche dans le droit international que cela a ressoudé les États membres de l’Otan. Le retour de la guerre conventionnelle de haute intensité en Europe a été un véritable électrochoc qui a relégitimé l’Alliance et l’a rendue de nouveau attractive. Deux pays historiquement neutres, la Finlande et la Suède, ont d’ailleurs demandé à la rejoindre.

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