Voiture électrique : gare à l’impact

4 janvier 2022  | Par Laure BERT
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Après deux siècles de développement industriel, la voiture est engagée dans une transformation hors norme. Les obstacles sont connus : métaux rares, recyclage, infrastructures… Les pôles de R&D tournent à plein régime pour les dépasser, avec erreurs et succès. Quelles marges de manœuvre pour ce secteur à l’avant-garde de la nécessaire transition ?

Le mouvement, soudain, s’est accéléré. Longtemps fantaisie d’excentrique fortuné, la voiture électrique s’impose comme une nouvelle norme. Selon le cabinet BCG, les véhicules rechargeables représenteront, en 2030, 34 % des ventes mondiales (4 % en 2020) et 52 % en Europe (9 % en 2020). À l’origine de ce tournant : ni les particuliers ni les constructeurs, mais les réglementations. L’Union européenne fait figure de tête de pont dans le domaine. Dans le bouquet de textes présenté mi-juillet 2021 par la Commission en vue d’atteindre la neutralité climatique en 2050, le transport faisait les gros titres. «Les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports ne représentent actuellement pas moins d’un quart des émissions totales de l’Union européenne et, contrairement à d’autres secteurs, ces émissions continuent d’augmenter. D’ici à 2050, les émissions dues aux transports devront diminuer de 90%», avançait ainsi la Commission. Et de décliner un plan précis : réduction des émissions de CO2 des voitures neuves de 55 % (50 % pour les camionnettes) à compter de 2030 par rapport à 2021, puis de 100 % à partir de 2035. La conséquence est claire : «Toutes les voitures neuves immatriculées à partir de 2035 seront des véhicules à émissions nulles», annonce la Commission. Autrement dit, ne pourront plus être vendus que des modèles hybrides rechargeables ou à batteries. Aux États-Unis, où 8,5 % des voitures vendues au deuxième trimestre 2021 étaient électrifiées, l’administration de Joe Biden veut aussi accélérer : elle souhaite qu’une voiture neuve sur deux vendues en 2030 soit «zéro émission». Pékin a de son côté fixé l’objectif que 20 % des voitures vendues en 2025 soient électriques, après 18 % en 2023 et 16 % en 2022, selon les quotas.

Des volumes qui peinent à suivre l’investissement

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Guillaume PITRON

Journaliste, auteur de La guerre des métaux rares, éditions Les liens qui libèrent, 2019.

Point de vue

« Le gain écologique s’exprime à l’usage »

Comment définir les métaux rares ?

Les métaux et minerais rares sont des ressources très diluées dans la croûte terrestre, comme le graphite, le cobalt ou le lithium. 
Ils possèdent des propriétés chimiques uniques, indispensables à la construction de la plupart des voitures électriques comme aux solutions de stockage de l’électricité issue des éoliennes ou des panneaux solaires. Les métaux rares se retrouvent ainsi au cœur de la transition énergétique. Mon point n’est pas de critiquer l’utilisation de ces métaux. J’insiste simplement sur le fait qu’extraire ces métaux 
est extrêmement polluant et que, à ce titre, il est absurde de qualifier la voiture électrique de voiture propre.

Vous êtes allé sur le terrain. À quoi ressemblent les mines de métaux rares ?

Aujourd’hui, l’essentiel des mines est en Chine. Les processus d’extraction au cœur de l’écorce terrestre puis de séparation des métaux nécessitent beaucoup d’énergie, de produits chimiques et d’eau. Les cours d’eau aux alentours des mines sont pollués par des acides sulfuriques et chlorhydriques.

Alors la voiture électrique serait-elle au final plus polluante que la thermique ?

À la sortie de l’usine, la voiture électrique est clairement plus polluante que la thermique. 
Le gain écologique s’exprime à l’usage. 
Sur ce sujet, tout dépend de la source 
d’électricité. Si vous roulez en France ou en Norvège, où l’énergie est décarbonée, la voiture électrique génère en moyenne 80 %  (1) de CO2 de moins qu’un véhicule électrique, 
pour l’ensemble de son cycle de vie. Si vous roulez en Chine, comme la moitié du parc électrique mondial, où 75 % de l’électricité dépend des mines de charbon ou pétrole, le gain n’est que de 30 %. Or, la pollution est bien sûrune question globale, cela n’a aucun sens de se focaliser sur les émissions françaises ou européennes.

Le bilan s’améliora sans doute au fil des ans…

Oui et non… Il y aura certainement des progrès dans la conception et le recyclage encore très embryonnaire des voitures électriques. D’un autre côté, l’Institut Bernstein  (2) prévoit qu’il y aura en 2040 deux fois plus de voitures sur terre qu’en 2016 tant l’appétit est grand chez les émergents. Et la grande majorité de ces nouvelles voitures seront électriques…

1 – Maarten Messagie, « Life cycle analysis of the climate impact of electric vehicles » (PDF), Mobility, Logistics and Automotive Technology Research Centre (MOBI), Vrije Universiteit Brussel, 2017.
2 – « The future of oil demand », Bernstein Energy, 
New York, 18 avril 2016.
Rebond

Assurances : pourquoi l'électrique coûte-t-il plus cher ?

Assurer une voiture électrique coûte plus cher qu’un véhicule traditionnel à essence. Selon la dernière étude du site lesfurets.com, menée entre janvier et juillet 2021, et basée sur la comparaison entre modèles thermiques et électriques équivalents, le tarif des véhicules électriques peut monter jusqu’à deux fois le montant de leur équivalent électrique.
Il s’élève par exemple à 280 euros par an pour une Renault Clio, versus 525 euros pour une Zoé. Pourquoi un tel hiatus ? Du point de vue de l’assureur, le remplacement, au sein du véhicule, du tandem moteur thermique et réservoir par le duo moteur électrique et batterie ne modifie pas les caractéristiques du contrat. « L’assurance auto recouvre avant tout la responsabilité civile,donc il n’y a pas de différence entre les garanties proposées pour un véhicule thermique ou électrique », appuie ainsi Jean-Charles Guizouarn, directeur études techniques non-vie de Generali
France, actuaire associé IA. L’écart se joue en revanche bien sûr sur les services d’assistance : la prise en charge en cas de panne d’essence sera classiquement remplacée, pour les véhicules électriques, par une assistance recharge. La divergence de tarif s’explique alors par les coûts des réparations et les statistiques d’accidentologie. Sur le premier point,
pas de tergiversation. « Pour un assureur, un véhicule électrique coûte jusqu’à 50 % plus cher en réparations qu’un véhicule thermique, notamment parce qu’il faut encore souvent envoyer les voitures dans des centres régionaux spécifiques. Certaines compagnies absorbent cette différence de coût auprès des clients en assumant une forme de mutualisation entre le thermique et l’électrique. La généralisation de l’électrique permettra sans doute à terme une baisse des prix. Mais aujourd’hui, les coûts de production des véhicules et des pièces de rechange restent extrêmement élevés avec des batteries qui peuvent peser jusqu’à 600 kg pour une Tesla model S », avance Sarah Clarinard, responsable de la tarification à la Maif. Même constat du côté de Jean-Charles Guizouarn : « Dans le futur, on pourrait effectivement imaginer que le prix de l’assurance s’adapte à la consommation de l’électricité », avance-t-il.

En attendant, pour les assurés, qui ont souvent bénéficié de nombreux bonus à l’achat de leur véhicule électrique, le rattrapage peut surprendre. D’où la tentation des compagnies, qui semble toutefois s’estomper depuis quelques mois, d’absorber cette hausse. Côté accidents, le constat apparaît plus nuancé. « Les conduites entre les propriétaires
de véhicules électriques et thermiques diffèrent en revanche,
note ainsi Jean-Charles Guizouarn de Generali. Côté électrique, on constate deux tendances, pour les petits véhicules électriques comme la Zoé de Renault, la fréquence
des sinistres est inférieure aux thermiques. Mais la sinistralité devient supérieure avec les véhicules beaucoup plus lourds, comme le modèle S de Tesla, qui peuvent prendre 100 km/h en quelques secondes.
 »