L’économiste Jean Pisani-Ferry estime que la lutte contre le changement climatique s’accompagnera d’effets macroéconomiques largement sous-estimés. Pour L’Actuariel, il revient sur la brutalité de la transition écologique à laquelle s’attendre.
Votre article La politique pour le climat est une politique macroéconomique, publié en août 2021 pour le Peterson Institute for International Economics, a eu un fort retentissement. Vous y avancez le fait que le processus de transition vers une économie décarbonée ne sera non pas graduel mais brutal, ce qui implique une réponse macroéconomique musclée de la part des pouvoirs publics. Les économistes et les politiques n’avaient pas auparavant pris conscience de cet angle ?
Jean PISANI-FERRY : Ce papier a eu de l’écho en raison, je crois, d’un manque dans l’analyse qui s’explique d’ailleurs assez bien. Toute l’économie du climat s’est développée dans une perspective de long terme, à l’horizon du changement climatique, qui était lui-même considéré comme un phénomène intergénérationnel, posant la question d’une évolution graduelle du système économique. L’essentiel de la réflexion a longtemps tourné autour de la fixation du bon prix du carbone, celui qui permettrait une pondération juste entre le bien-être de la génération présente et celui des générations futures. Longtemps, et même après l’Accord de Paris, qui a pourtant fixé un horizon, la transition a été vue comme un sujet des trente ou cinquante prochaines années, et non comme un sujet de macroéconomie dans le sens des ministères des Finances ou des organisations internationales… lesquels ont tendance à limiter le long terme à cinq ans.
Changer d’approche ne doit pas être simple…