Les paradoxes de la médecine connectée

15 mars 2018  | Par Céline CHAUDEAU
L'actuariel // économies // Les paradoxes de la médecine connectée
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« Combiner génome et médecine connectée »

Pascal PUJOL Chef de l’unité d’oncogénétique au CHU de Montpellier et président de la Société française de médecine prédictive et personnalisée.

Point de vue

« Combiner génome et médecine connectée »

Comment définissez-vous la médecine prédictive et personnalisée ?

Pascal Pujol : C’est la connaissance, en amont, d’un risque en vue d’une action préventive ou d’un dépistage. Ensuite, l’idée d’une médecine personnalisée vise à essayer de mieux soigner et accompagner ces patients en pleine connaissance de cause, par la précision apportée par les outils modernes. Concrètement, on a aujourd’hui la possibilité, en observant le génome de certaines personnes, de détecter une prédisposition à une maladie grave. Les gènes BRCA peuvent par exemple indiquer qu’une femme présente un risque augmenté de développer un cancer du sein ou de l’ovaire. Une femme sur 300 est potentiellement concernée. Or, si elle était suivie, nous pourrions diminuer son risque de mortalité de 90 % ! On pourrait non seulement sauver des vies mais également économiser bien des frais d’hospitalisation ou d’interruption de travail à l’Assurance maladie… Les actions de prévention sont économiquement rentables, mais à long terme.

 

Où situez-vous la médecine connectée dans votre réflexion ?

P. Pujol : La médecine connectée peut avoir de beaux développements si elle se place davantage en aval dans le suivi de maladies telles que les pathologies chroniques, les traitements d’ALD ou si elle est utilisée en médecine ambulatoire, ou à domicile, pour éviter une hospitalisation coûteuse. Il y a certainement beaucoup à gagner du recueil d’informations et de l’exploitation des données, mais il faudrait pouvoir aller plus loin.

 

Une évolution de la loi, très stricte sur le sujet, vous semble-t-elle envisageable ?

P. Pujol : Évidemment, l’utilisation des données de la personne demande de grandes précautions, mais la question mérite d’être posée. C’est dans l’intérêt de tout le monde, des assurances, des États et avant tout des personnes. Je fais partie d’une consultation citoyenne dans le cadre des états généraux de la bioéthique. Les débats sont très animés et les avis contrastés. Beaucoup de données sont potentiellement accessibles. Techniquement, la lecture du génome permet d’établir une probabilité de développer certaines maladies. La médecine connectée pourrait ensuite récupérer le phénotype et les données d’un patient, et ces données combinées pourraient permettre de surveiller l’évolution de sa santé dans la vraie vie afin de le soigner ou de prévenir les maladies. Les assureurs se sont engagés sur un moratoire sur le sujet des prédispositions génétiques et ne veulent pas y toucher. Ils pourraient peut-être s’intéresser davantage à la question du génome, mais avec des dynamiques positives. La connaissance de prédispositions permet de « gommer » la surmorbidité ou la surmortalité de certaines maladies. C’est donc l’intérêt commun des assurances, de l’ensemble des personnes qui cotisent et surtout de l’individu.

 

C’est un sujet sensible…

P. Pujol : Il faut être pédagogue car la gestion de ces données génère beaucoup de fantasmes et de scénarios terrifiants. Cependant, pourquoi se passer de certaines données pour que des gens aillent mieux ? On peut aussi raisonner à l’envers et mettre en avant une meilleure santé publique et une diminution des coûts pour les services publics et les assureurs. Tout cela, dans un cadre éthique et égalitaire, évidemment ultra-sécurisé et en encadrant le prix des polices d’assurance. Un jour, il faudra trouver une façon positive de s’emparer du sujet…

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