Depuis des siècles, l’idée d’un revenu de base universel trouve autant d’adeptes que de réfractaires. Selon les objectifs poursuivis – justice sociale, émancipation, réduction des inégalités – et les affinités politiques, les propositions et les modalités de financement cheminent sous diverses formes.
C’est une vieille idée. Dès le XVIe siècle, le philosophe anglais Thomas More avait imaginé une société où les moyens d’existence seraient répartis également entre tous. Mais c’est à partir de la fin du XVIIIe siècle que le concept d’un revenu de base universel est véritablement formulé. D’abord par le penseur Thomas Paine, qui préconisait le versement d’un capital à tout individu atteignant la majorité, financé par un impôt sur les propriétaires terriens. Puis par d’autres, tel le juriste belge Joseph Charlier, qui défendait le versement d’une rente pour contrecarrer l’injustice de la propriété privée de la terre. L’idée est ensuite largement développée au XXe siècle, notamment dans l’entre-deux guerres puis à partir des années 1960. « C’est un sujet ancien, qui a tendance à revenir à chaque période de crise, comme lors de la crise de 2008 », observe l’économiste Anne Eydoux, maîtresse de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).
La crise actuelle ne fait pas exception. L’idée d’un revenu universel a resurgi dans de nombreux pays européens, dont la France, où elle avait déjà été développée en vue de la présidentielle de 2017 – par Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, et par Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate à la primaire de la droite et du centre. En pleine pandémie de Covid-19, la perspective d’un filet de sécurité contre les risques financiers imprévus est en effet séduisante. Pourtant, une étude menée dans le cadre d’une très longue expérimentation en cours au Kenya montre que le revenu universel « n’est pas conçu pour faire face à des situations extrêmes » (1). Les chercheurs soulignent que l’accès à « des compléments de revenus a aidé pendant la pandémie », et notent des « effets positifs modestes sur le bien-être ». D’autre part, ils notent que ces compléments n’ont pas pu, dans un tel contexte, encourager la prise de risque et l’investissement à long terme.
L’acceptabilité éthique d’un revenu inconditionnel