Négoce en Australie, produits dérivés sur l’indice du prix de l’eau des bassins californiens, montée en puissance des fonds communs de placement dédiés… Depuis dix ans, la financiarisation de l’eau s’accélère, au risque de bouleverser les équilibres d’une économie vitale.
Les financiers ne sont pas entrés par effraction dans le monde de l’eau. Ils ont été appelés à la rescousse par des gouvernants inquiets du risque croissant de pénurie. En 2010, le secrétaire général de l’OCDE, Ángel Gurría, déclarait que « l’eau devient rare. Pas parce qu’il y en a moins, mais parce que les besoins augmentent, parce que la qualité de la ressource se détériore et que des effets éventuels du changement climatique pourraient modifier sa disponibilité. Nous savons que cette rareté résulte en grande partie d’une mauvaise gestion : une gestion qui n’incite pas à utiliser l’eau de manière économe ; qui n’alloue pas systématiquement l’eau là où elle est le plus utile ; qui n’incite pas assez à préserver la qualité de la ressource ».
Le changement climatique progresse, l’accès à l’eau régresse
Environ 70 % de la surface de la Terre est couverte par de l’eau, mais 97 % de cette masse est salée et ne peut pas être utilisée pour boire, irriguer les champs ou pour la majorité des processus industriels. Sur les 3 % d’eau restants, seul 1 % est directement accessible à la consommation humaine. Pour devenir potable, le reste nécessite des traitements plus ou moins onéreux, que le public et les municipalités ne peuvent pas toujours financer (1).
Selon l’ONU, d’ici à 2030, 2 milliards de personnes supplémentaires migreront vers les villes. Ce mouvement impliquera une augmentation de 50 % de la demande mondiale en eau. Tous les experts s’accordent sur cette trajectoire future, qui exercera une pression sans précédent sur les infrastructures. Parallèlement, le changement climatique complique l’accès à l’eau : d’ici dix ans, 40 % de la population mondiale vivra dans des bassins hydrographiques soumis à un stress hydrique sévère et 20 % sera menacée par des inondations. Conséquence : depuis trente ans, le prix de l’eau augmente plus vite que celui du pétrole.
Fixer le « vrai » prix de l’eau, l’antidote de la pénurie ?