Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste, conseillère scientifique de l’Institut Veblen 

23 juin 2022  | Par Séverine LEBOUCHER
L'actuariel // économies // Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste, conseillère scientifique de l’Institut Veblen 

Pour accélérer la transition écologique et sociale, l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran plaide pour une voie singulière : créer un nouveau mode d’émission de monnaie centrale, complémentaire au mode bancaire et affectée au bien commun.

À 7,5 % en mars, l’inflation européenne a atteint des sommets qui rappellent le niveau des années 1970. La BCE est-elle allée trop loin dans sa lutte contre le risque de déflation ?

Jézabel Couppey-Soubeyran: Je ne pense pas que la remontée de l’inflation soit principalement liée à la politique monétaire très accommodante de la banque centrale. L’augmentation de la base monétaire ne date pas de quelques mois : elle a été continue depuis la crise financière. Plusieurs relations mises en avant par la théorie monétaire dysfonctionnent. D’une part, une hausse de la base monétaire, c’est-à-dire la monnaie créée par la banque centrale, n’entraîne plus (ou pas) une hausse dans la même proportion de la masse monétaire, c’est-à-dire la monnaie créée par les banques et qui circule dans l’économie. D’autre part, une hausse de la masse monétaire n’implique plus non plus une augmentation du niveau général des prix, comme le montrait le taux d’inflation très bas de ces dernières années. Et l’inflation actuelle n’est pas la traduction, avec retard, de cette relation. Elle vient surtout de la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, notamment agricoles. Jusqu’à présent, la crise énergétique était latente, elle est désormais patente. De même, la crise écologique est là.

En préparant la sortie de son programme de quantitative easing, la BCE ne met-elle pas en danger la croissance européenne ?

Jézabel Couppey-Soubeyran : La politique monétaire accommodante menée depuis la crise financière a surtout eu pour conséquence directe une hausse du prix des actifs financiers et de l’immobilier, et non une augmentation des prix à la consommation. Les banques ont disposé d’un afflux de liquidité centrale qu’elles ont utilisé pour leurs deux grands pans d’activités : le crédit immobilier et les activités de marché. Cela a d’ailleurs conduit à un accroissement des inégalités, car ce sont les ménages disposant de patrimoines financiers importants qui en ont profité. Si l’assouplissement n’a pas eu d’effets positifs sur l’économie réelle, le mouvement inverse de resserrement va-t-il avoir un impact négatif ? C’est à voir.

Vous souhaitez lire la suite de l’article ?

Achat de l'article

Acheter

Abonnement

S'abonner

Mon compte

Note

6 dates clés

  • Depuis 1998 : Maîtresse de conférences en sciences économiques à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • 2000-2008 : Conseillère scientifique à l’Encyclopaedia Universalis
  • 2009-2015 : Conseillère scientifique au Conseil d’analyse économique
  • Depuis 2010 : Créatrice et directrice du master Contrôle des risques bancaires et conformité au Centre de formation de la profession bancaire
  • 2015-2020 : Conseillère scientifique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)
  • Depuis 2020 : Conseillère scientifique à l’Institut Veblen