L’urgence environnementale et la quête d’une justice sociale imposent de revisiter le mythe de la croissance infinie, plaide Geneviève Férone-Creuzet. Pour permettre l’avènement de la post-croissance, un nouveau récit de la valeur doit être inventé.
Dans vos travaux, vous vous intéressez au concept de « post-croissance ». Comment le situer par rapport à ceux de « décroissance » ou de « croissance verte » ?
Geneviève Férone-Creuzet : Nous voulions être agnostiques. Or, les concepts de « croissance verte » et de « décroissance » renvoient tous deux à une croyance : celle que nous serons sauvés par la technologie ou par la sobriété collective. Mais les technologies ne sont pas encore là et la frugalité relève davantage d’un questionnement intime que d’un projet politique. Avec la « post-croissance », nous posons que la croissance continuera d’exister, de même que la liberté d’entreprendre ou le progrès. C’est le paradigme actuel de la croissance illimitée – voire de « prolifération » – que nous interrogeons. Pour cela, nous utilisons la théorie dite du « donut » comme cadre de référence. Créée en 2009 et enrichie en 2012 par l’économiste Kate Raworth, elle s’appuie sur la visualisation d’un anneau dont le bord extérieur matérialise les limites planétaires, c’est-à-dire le respect des processus biologiques et physiques (climat, biodiversité, disponibilité de l’eau douce…). Quant à son bord intérieur, il reflète les aspects de justice sociale. Le donut montre que la croissance de demain doit s’inscrire dans un espace écologiquement sûr et socialement juste