Emmanuel Combe, Docteur en économie, vice-président de l’Autorité de la concurrence

31 mars 2021  | Par Laure BERT
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Emmanuel Combe analyse les diverses politiques de la concurrence à l’échelle européenne et internationale, en revenant sur le lien complexe entre innovation et concurrence.

 

Depuis quand les économistes s’inquiètent-ils de la concurrence ? Comment définir ce concept ?

Emmanuel Combe : Les philosophes sont les premiers à s’être intéressés à la concurrence. Pour Montesquieu, par exemple, « c’est la concurrence qui met un prix juste aux marchandises et qui établit les vrais rapports entre elles (1) ». Côté économie, le concept a d’abord été exploré par Adam Smith dans La Richesse des nations (1776). Il envisage la concurrence au sens propre du terme, c’est-à-dire comme une compétition entre des offreurs, comme une guerre policée, un mécanisme de sélection qui doit permettre de faire triompher le meilleur. Dans cette vision de la concurrence se trouve une dimension presque darwinienne, que l’on retrouvera beaucoup plus tard chez un auteur comme Schumpeter. La concurrence est ici perçue comme un phénomène dynamique, évolutif. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’une entreprise a gagné une course et qu’elle se retrouve seule sur le marché qu’il n’y a pas ou plus de concurrence. L’enjeu est plutôt de savoir si celui qui a gagné la course peut être détrôné par un nouveau compétiteur.

Cette vision dynamique s’oppose à celle plus répandue, venue sous la plume de Walras (2) à la fin du XIXe siècle, qui assimile concurrence et grand nombre d’acteurs : un marché concurrentiel doit comprendre de nombreuses entreprises. Pendant longtemps, c’est cette perception statique qui a été dominante en Europe. Elle revient à se concentrer sur les parts de marché à un instant donné, en opposant monopole et concurrence. Mais, pas à pas, l’Europe revient à une vision plus smithienne de la concurrence avec le concept de « contestabilité ».

 

Que signifie exactement la « contestabilité » ?

Emmanuel Combe : Ce terme vient de l’anglais contestability. Il s’applique à un marché sur lequel les acteurs peuvent librement entrer, mais aussi sortir (sans barrières juridiques, technologiques ni financières à l’entrée sur le marché. L’entreprise entrante est en position d’égalité avec l’entreprise ancienne – accès égal aux moyens de production et aux savoir-faire – et la sortie se fait libre-ment et sans coût, NDLR). Dans cet environnement, une entreprise peut évoluer seule, mais elle n’augmentera pas pour autant ses prix si elle se sait menacée par l’arrivée de nouveaux opérateurs.

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