Alors qu’ils traversent une crise économique et sociale importante, les Ehpad doivent dès aujourd’hui se préparer à la croissance démographique des seniors qui ne cesse de s’accentuer. Quelles solutions s’offrent à eux pour mieux accueillir résidents et salariés et trouver un modèle pérenne ?
Vingt-deux ans après leur création, les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont confrontés à une crise multiforme. Ce secteur, qui regroupe 7 443 Ehpad sous statut public, privé non lucratif ou privé commercial pour 613 315 places au total (1), souffre à la fois de difficultés budgétaires, d’un modèle à bout de souffle et d’une crise des ressources humaines. Son image reste par ailleurs abîmée suite à la publication du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet (Fayard, 2022), qui dénonce un système de détournements de fonds publics et de mesures d’économies engendrant des maltraitances dans les Ehpad d’Orpea. Le groupe, repris en 2023 par la Caisse des dépôts aux côtés de CNP Assurances, de la Maif et de MACSF Épargne retraite, a changé de nom en mars 2024 pour devenir Emeis.
Sur le plan budgétaire, de nombreux établissements présentent une situation très dégradée. À l’occasion de la publication, en avril, de son enquête nationale annuelle, la Fédération hospitalière de France (FHF) a ainsi signalé une généralisation « inédite et alarmante » des situations déficitaires, avec 84,4 % des Ehpad publics dans ce cas de figure en 2023, contre 43,9 % en 2019. La FHF estime que le déficit cumulé des Ehpad publics sur 2022 et 2023 représenterait plus de 1,3 milliard d’euros. La Fédération ne précise toutefois pas le budget global des Ehpad publics, qu’il est difficile de trouver distinctement. Dans ses comptes publiés en juin 2020, la Sécurité sociale établit à 25,1 milliards d’euros les recettes globales des Ehpad, tout secteur confondu, en 2018. En avril toujours, 13 organisations des secteurs public et privé non lucratifs ont lancé une alerte sur la situation budgétaire « critique » des établissements et services autonomie à domicile, dont 75 % ont clôturé l’exercice 2023 avec un déficit. Du côté du secteur privé commercial, il n’existe pas de chiffres agrégés. « Mais, d’après ce que nous disent nos adhérents, plus de 50 % des établissements commerciaux étaient en déficit au 31 décembre 2023 », indique Jean-Christophe Amarantinis, président du Synerpa, le syndicat des Ehpad privés. Une situation financière due à des charges qui ont augmenté plus fortement que les tarifs et les enveloppes budgétaires fixés par l’État et les départements. « Il y a un effet conjugué d’augmentation générale des prix des matières premières, de l’énergie et de revalorisations salariales nécessaires des professionnels, détaille Jérôme Voiturier, directeur général de l’Uniopss, qui représente la plupart des Ehpad associatifs. Les pouvoirs publics ont créé des dispositifs de compensation qui ne prennent pas en compte l’intégralité des dépenses supplémentaires. Cela a forcé de nombreuses associations à prendre sur leurs fonds propres. »