Crise immobilière, des conséquences en rafales

24 juin 2024  | Par Séverine LEBOUCHER
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Entre la hausse brutale des taux, la généralisation du télétravail et les impératifs environnementaux, le secteur de l’immobilier est chahuté de toutes parts ces derniers mois. Des turbulences aux multiples effets sur l’activité des assureurs. Si les premiers constats sont rassurants, les actuaires ont tout intérêt à rester vigilants : le ciel pourrait vite s’assombrir.

Après plus d’une décennie de taux bas ou nuls qui a très favorablement porté le marché immobilier, le contexte a radicalement changé avec le resserrement monétaire abrupt mené par les banques centrales depuis mi-2022 pour lutter contre l’inflation. Ce secteur, qui n’avait pas connu de difficultés majeures depuis la crise des subprimes, fait partie des premières victimes. Pour les assureurs, les impacts du retournement de l’immobilier semblent à la fois multiformes et limités dans leur ampleur, mais restent difficiles à totalement appréhender à ce stade, faute de visibilité sur l’évolution de la situation.

Un mouvement conjoncturel et une crise structurelle

De prime abord, les choses semblent simples : la hausse du coût de l’argent freine mécaniquement le marché immobilier, souvent financé par endettement. Le segment résidentiel illustre parfaitement la logique. Depuis son point bas de décembre 2021, le taux des crédits immobiliers français (hors renégociation) a bondi de 311 points de base pour culminer à 4,17 % en janvier dernier, selon les données de la Banque de France (1). Une flambée qui a tétanisé le marché, tant du côté des acheteurs – dont le pouvoir d’achat a fondu – que du côté des vendeurs. «À la différence des précédentes crises, on constate un phénomène de rétention particulièrement aux États-Unis: les ménages propriétaires de biens immobiliers renoncent à les mettre en vente, car cela clôturerait leur crédit et ils devraient alors en souscrire un nouveau à un taux bien plus élevé, note Philippe Trainar, professeur honoraire du Cnam. En conséquence, la demande s’effondre, mais l’offre aussi. Cette situation, atypique d’un point de vue historique, tient les prix dans un état d’apesanteur.» De fait, si les valorisations se contractent, il est difficile de parler de véritable krach. Selon la chambre des notaires du Grand Paris, les prix au mètre carré ne se sont repliés en moyenne que d’un peu moins de 7 % en 2023  (2). À l’échelle nationale, la baisse se limite même à 4,3 %  (3). Une correction probablement insuffisante au regard de la brutalité du choc de taux. «Après une telle hausse du coût du crédit, la prime de risque portée par les actifs immobiliers a été quasiment effacée. Or, on estime qu’elle se situe en moyenne entre 150 et 200 points de base au-dessus du taux souverain à 10 ans pour les meilleurs actifs», indique Christian de Kerangal, directeur général de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF). D’un point de vue de pure rentabilité financière, le compte n’y est pas.

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L’immobilier dans les actifs des assureurs français

Source : Enquête de l’Af2i réalisée en 2022.
Encadré

La croissance exponentielle des SCPI, à l’arrêt depuis un an

Les Société civiles de placement immobilier (SCPI) ont bénéficié de très fortes souscriptions sur les dernières années de taux bas, à la fois en direct auprès des épargnants et via les unités de compte immobilières de l’assurance-vie. En 2023 toutefois, la dynamique s’est rompue après que plusieurs fonds ont annoncé une baisse de la valeur de leurs parts.

Source : Aspim, mars 2024.