Fort de dix années passées à la division en charge des recommandations de politique monétaire, Alain Durré évoque le pouvoir circonscrit de la Banque centrale européenne (BCE). Malgré un contexte de taux bas, Alain Durré ne croit pas à un scénario catastrophe pour les banques et les assureurs.
Christine Lagarde a succédé début novembre à Mario Draghi à la présidence de la Banque centrale européenne (BCE). Pensez-vous que sa nomination peut changer la politique de l’institution ?
Alain DURRÉ : Dans un premier temps, clairement non. Avec le paquet de mesures décidées en septembre, Madame Lagarde n’aura pas à aborder immédiatement des discussions difficiles. Il a été décidé de réactiver le programme d’achat de titres au rythme de 20 milliards d’euros par mois à partir de novembre. L’institution a aussi précisé son pilotage des anticipations (forward guidance) en liant très clairement l’inflation totale à l’inflation sous-jacente. En d’autres termes, le programme d’achats de l’institution s’arrêtera lorsque l’inflation progressera à un rythme en ligne avec la définition de la stabilité des prix de la BCE, c’est-à-dire proche de 2 %. Donc la question de savoir si la BCE doit en faire plus ou moins ne devrait pas être sur la table très rapidement, dans tous les cas pas avant la fin du premier trimestre 2020. De plus, Christine Lagarde n’a pas donné le signal qu’elle agirait fondamentalement différemment de Mario Draghi. Elle devrait surtout s’atteler avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, à pousser davantage le débat sur l’intégration institutionnelle de la zone euro.
En Europe, on ne parle plus que de politique budgétaire. Face à une potentielle future récession, la BCE et la politique monétaire sont-elles encore armées ?
Alain DURRÉ : Si la BCE reste dans son cadre actuel avec les contraintes que nous connaissons, notamment en termes de limite d’achat – la banque ne peut pas acquérir plus du tiers d’une même émission obligataire –, la marge de manœuvre est limitée.